“Le sucre du mot Brésil au fond du marécage.”
Aimé Césaire, Les Armes miraculeuses, 1946.

Ninguém é cidadão, chante Caetano Veloso dans « Haiti » (1993), que cite Carlos Adriano dans son poème documenté et polémique O que há em ti. Oui, qu’avons-nous en nous, lorsque nous nous trouvons, bien malgré nous, plongés dans le désastre ? Quelles ressources, au fond de notre détresse ? Chacun à leur manière, les films de ce programme répondent en explorant une dimension de l’énergie : l’ironie (Jean-Gabriel Périot), la raison (Chaab Mahmoud), la beauté naturelle (Jacques Perconte) et même la joie, singulière (Cecilia Bengolea) ou collective (Teresa Villaverde), telles sont les « armes miraculeuses » des démunis, en un temps où les catastrophes se multiplient. Que celles-ci soient politiques, climatiques, sanitaires, qu’elles relèvent de l’exploitation ou de l’oppression tragiquement ordinaires, du génocide ou de l’écocide, qu’elles se produisent en Amérique du Sud ou du Nord, dans les Alpes ou partout simultanément… elles semblent bien toutes affronter la violence d’un principe commun que les Latins avaient nommé l’invidia, l’avidité, le désir insatiable de possession aux dépens d’autrui, qui n’a rien à voir avec des besoins réels, qui culmine avec le capitalisme consumériste appuyé sur ce « complexe militaro-industriel » si efficacement brossé en quelques traits par Edouard Salier. Face à l’invidia létale capable de tout détruire jusqu’à ce qu’il ne reste rien qu’elle-même, les humains ici opposent d’autres puissances : l’altruisme, l’empathie, le sens du collectif, la défenses des plus faibles, la communion avec les éléments naturels ou avec d’autres êtres, le courage et — ressource particulièrement mise à mal de nos jours – le raisonnement critique. Ces valeurs sont mises en œuvre dans les films ici proposés, grâce auxquels on peut constater aussi que, jusque dans la plus sombre adversité, avec des moyens très simples, les artistes savent faire preuve d’une audace et d’une virtuosité formelle admirables, portant à son comble l’énergie plastique propre au vivant : la créativité. Tous citoyens d’un champ sans frontières spatiales ni temporelles, où l’on n’a besoin pour entrer d’aucun passeport, ni argent, ni pouvoir : celui de la bataille sans fin contre les injustices.

Merci à DOBRA pour sa confiance et son courage exemplaires.